Olivier Collinet

Interview des professeurs : Olivier COLLINET

Grand connaisseur du théâtre contemporain, Olivier est le conseiller culturel officiel du Cours Clément ! Malgré ce titre honorifique, il a su conserver sa bonhomie légendaire. C'est une grande joie de continuer l'aventure avec lui cette année !

Depuis combien de temps tu es prof ? Et prof au Cours Clément ?
J'ai commencé à donner des Cours dès ma première année de travail de comédien, il y a 16 ans maintenant ! Cette année sera la 6ème au Cours Clément.

Quel est ton parcours théâtral ?
J'ai découvert le théâtre au lycée. J'ai continué dans un cours amateur pendant 2 ans, qui m'ont permis de prendre conscience de mon envie d'en faire mon métier. J'ai ensuite fait 4 ans d'école de théâtre dans un Conservatoire à Rayonnement Régional.

Est-ce que tu te souviens de ton premier cours ? De ton premier spectacle ?
En sortant de l'école j'ai eu la chance d'être embauché comme comédien permanent dans une compagnie. Mais dans mes attributions il y avait un cours enfant et un cours ado. Je n'avais jamais pensé donner des cours, je ne connaissais que des exercices plutôt destinés aux professionnels, pas forcément « grand public », j'avais très peur de me retrouver face à 15 mômes enragés et de me faire déborder.

Et en fait, c'était génial ! J'ai eu la chance de tomber sur 2 groupes où quasiment tous avait déjà fait du théâtre avec d'autres membres de la compagnie, ils étaient super bien formés et c'est eux qui m'ont appris plein de trucs. Des spectacles que nous avons fait ensemble ces années là, je retiens le grand plaisir de découvrir des choses, de se faire plaisir et de ne pas rester enfermés dans un carcan, mais plutôt d'essayer des formes très différentes, sans a priori et sans jugement. C'était très riche. C'est ce que j'essaye de conserver encore aujourd'hui.



Meilleur / pire souvenir de théâtre ?
Mon pire souvenir de théâtre est aussi le meilleur.
C'est sur une pièce où j'ai vraiment eu du mal à trouver mon personnage. On a cherché avec le metteur en scène, longtemps, mais on en trouvait pas.

On était 9 au plateau, on avait 2 mois de répétitions, ce qui est très luxueux par les temps qui courent, et je voyais mes camarades s'éclater dans les propositions qu'ils avaient faites et moi, ça ne passait pas.

Lors de la première j'étais très mal à l'aise, rien n'a fonctionné, c'était la cata, j'avais du mal à regarder les autres en face.

Avec le metteur en scène on a donc envisagé de tout changer, entre le première et la deuxième. Lorsque je suis revenu le lendemain, mon jeu, mon personnage, ma voix, ma façon de me déplacer n'avaient plus rien à voir avec ce que je faisais encore la veille. Le résultat était bien meilleur.

Après plusieurs jours à expérimenter cette nouvelle direction, j'ai commencé à prendre un vrai plaisir à jouer et c'est là que j'ai ressenti la maîtrise. Quand on commence à faire tellement corps avec son personnage qu'on peut anticiper les réactions des partenaires et du public et être vraiment ici et maintenant. Avoir l'impression qu'on invente le texte au fur et à mesure. C'est à la fois mon pire et mon meilleur souvenir de théâtre.

Une anecdote dingue / drôle ?
Il m'arrive de faire des créations vidéos pour des spectacles et l'une des représentations les plus fortes à laquelle j'ai pu participer, c'était lors de ma première création vidéo. On m'avait demandé de faire une proposition vidéo pour un spectacle qui avait déjà joué et dont le vidéaste avait été viré.

J'avais très peu de temps, une grosse pression et aucune expérience et le spectacle ne devait jouer qu'une seule et unique fois. C'est dire à quel point j'étais stressé. C'était un seul en scène, une unique comédienne au plateau dans un grand décor avec plusieurs espace de diffusion des images, certaines en direct, d'autres enregistrées. Je faisais naturellement la régie vidéo. Mes premiers « tops » (les effets à envoyer) se passent sans encombre, la vidéo marche plutôt bien avec ce que raconte la pièce, je suis content. Et soudain, le black out ! Plus de courant ! La comédienne, très pro, continue à jouer dans le noir, avec l'unique éclairage de sortie de secours.

Le régisseur lumière qui était avec moi sort en trombe de la salle et reviens presque aussitôt : la coupure touche tout le quartier, on ne peut rien faire.

Le directeur entre alors, interrompant la comédienne pour expliquer la  situation au public. Et là, le comédienne jette au public avec plein de force et d'émotion : « Qu'est-ce qu'on fait ? On continue !? » J'ai encore la chair de poule lorsque je réentends tout le public crier un grand « Oui ! ».

La suite de la représentation s'est déroulée à la lumière des bougies apportées par l'équipe.

Au final, personne n'a jamais vu les vidéos que j'avais prévues pour ce spectacle, mais toute la suite de le représentation était magique, et pour le public comme pour l'équipe du spectacle, ce fut un moment d'émotion très intense.

Quel est l’esprit que tu essaies d’insuffler dans tes cours ?
Je travaille beaucoup sur le jeu d'acteur, la justesse qu'on choisisse un style de pièce très réaliste ou complètement fou. Je donne un soin tout particulier à ce que les participants à mes cours progressent tout au long de l'année. J'essaye que tous mes projets soient différents. Faire du théâtre c'est raconter une histoire, ensemble. Je commence par former un groupe qui travaillera dans le même sens, sans jugement et avec une vraie envie de tester des choses, d'aller chercher en soi des ressources inexplorées. Je ne demande pas la même chose à chacun parce que j'essaie de m'adapter au niveau de chacun, à ses envies de théâtre, à là où il en est dans son parcours, qu'il soit débutant ou confirmé.

Comment tu décrirais ton travail / ta méthode ? Qu’est-ce que tu aimes monter comme spectacle ? Quel théâtre aimes-tu ?
En général j'aime beaucoup travailler des pièces contemporaines. Mon Graal, c'est une pièce qui puisse arriver à être à la fois grave et légère, qui mêle les styles, les rythmes et surtout qui ait du fond. C'est tellement agréable de défendre un projet qui parle de sujets qui nous touchent vraiment, en cherchant si possible une forme originale, des personnages inattendus, une mise en scène particulière qui soit une vraie aventure d'invention pour ceux qui y participent.

Je fais partie d'un comité de lecture qui travaille sur des pièces européennes traduites en français depuis moins de 10 ans. J'aime beaucoup faire découvrir des textes originaux, avec une forme particulière, un sujet. Les gens qui connaissent peu le théâtre peuvent en avoir une image poussiéreuse, on connaît peu les textes contemporains, beaucoup ont vu un Molière mal monté lorsqu'ils étaient au collège et ont arrêté leur jugement : « le théâtre c'est ennuyeux, c'est pas pour moi ». J'adore leur réserver des surprises, pour leur montrer que le théâtre ça peut être beaucoup de choses !


Depuis quelques années j'aime laisser la place à l'essai et à la proposition de mise en scène de la part des élèves. C'est à dire qu'une fois le texte choisi, je donne un cadre précis.

Mais dans un premier temps je n'impose rien, je laisse chacun chercher dans la direction qu'il imagine que ce soit pour inventer des personnages ou pour le décor, la direction de mise en scène etc.

On décide ensuite ensemble quel spectacle on veut faire avec tout ça. Par contre, je garde toujours le « final cut » et si le groupe ne parvient pas à tomber d'accord, je reprends la main. Mais c'est finalement assez rare que je sois obligé de le faire. Si la direction est claire, tout le monde finit par courir dans le même sens, et c'est un vrai groupe qui monte sur le plateau pour présenter son travail, lors des représentations de fin d'année. Parce qu'on ne fait pas du théâtre tout seul, chacun dans son coin.

Je ne m'interdis pour autant pas de monter une vraie pièce comique ou même un classique (en fait j'adore ça!), mais à mon sens c'est ce qui demande le plus de rigueur en tant que comédien et il faut que ce soit le volonté de tout le groupe d'aller dans cette direction.

Ce que tu aimes chez un.e comédien.ne ?  

Ce que j'aime c'est la force de l'imaginaire. Même chez ceux qui annoncent d'emblée « moi j'ai zéro imagination ». On a toujours des surprises c'est tellement jouissif quand on travaille un personnage et qu'on a d'un coup tout un univers qui se développe sous nos yeux. Tout est faux, inventé, répété et pourtant on y croit, ça parle de nous et ça nous touche ! J'adore !

LE PORTRAIT « CLEMENT » :

Si tu étais une pièce de théâtre ?
Le monstre du couloir de David Greig (tous à votre librairie!)

Si tu étais un auteur de théâtre ? 
Joël Pommerat !

Si tu étais un.e comédien.ne ?
Pacino ! (il en existe d'autres ?)

Si tu étais un personnage ?
Puck dans Le Songe d'une nuit d'été. Espiègle, blagueur, touchant, multiforme et... quelle langue !

Si tu étais un plat ?
Je ne vois pas en quoi la réponse à cette question peut être décisive, mais la réponse est limpide : un curry de poulet accompagné d'un riz Matar Pulao.

Si tu étais un film ? 
Adaptation de Spike Jonze (tous sur votre plate forme VOD!)

Si tu étais un livre ?
Belle du Seigneur d'Albert Cohen.

Si tu étais une destination de vacances ?
Le golf du Morbihan (le jour où il faisait beau, tu sais là, c'était un mardi...)

Si tu étais un animal ?
Un pangolin ! (Oh pardon!)

Si tu étais une œuvre d’art ?
C'est pas le cas ?

Si tu étais un super pouvoir ?
Voler ! Le rêve !

Si tu étais une réplique de film / théâtre ou citation ? 
Comme je dis souvent.« Tout m'afflige et me nuit et conspire à me nuire »

Si tu étais un personnage de Friends ?
Chandler

Si tu étais un sport ?
Cerf-volant de combat en équipe.

Michel Sardou ou Johnny Hallyday ?
T'as pas des vivants plutôt ?

Messi ou Cristiano Ronaldo ?
Ils jouent dans quel film ?

Koh Lanta ou Top Chef ?
Téléchat !

Film ou série ? 
Hmmmm... Ça dépend du temps. Je réponds à ce questionnaire pendant le confinement, donc je vais dire... Série !!

Fiction ou réalité ? 
Fiction !

Boire ou conduire ? 
Ça va être publié ?

Adam ou Eve ?
Eve of course !

Gloire ou Argent ?
Pouvoir !

César,  Oscars, Molière ou Palme ? 
Définitivement palme.

Comédie ou Tragédie ?
Comégédie !

Monologue ou Dialogue ? 
Dialogue

Batman ou Joker ?
Le Joker !!!! (Qui répond Batman franchement ?)

Improviser ou suivre le texte ?
Le texte le texte le texte ! Mais en donnant l'impression que tout est improvisé ! C'est ça la clef !

Sexe ou amour ?
Coquin. Tu sais très bien, voyons ! Tu as encore besoin d'être rassuré ?